Bordelongue: « Faut tout un village pour éduquer quelqu’un. Tout un quartier aussi. »

Comment grandir dans un quartier comme celui de Bordelongue ?
Deux jeunes se livrent sur leur quartier, leurs souvenirs et nous dévoilent leurs parcours. Tous les deux ont vécu leur enfance à Bordelongue. Un quartier qu’ils connaissent par cœur et qu’ils ont vu changé au fil du temps. Entre sentiment d’exclusion et recherche de bulles d’air permanente, ces deux parcours nous racontent la difficulté et la force d’être jeune, aujourd’hui, dans un quartier. 

Paroles du réalisateur – Mathias Guilbaud

Ce tournage fut le plus atypique de tous. Nous avions rendez-vous en dehors du quartier, l’un est venu, l’autre est au téléphone.  De plus, à la demande des deux personnes, j’ai dû transformer leurs voix pour les anonymiser. À mesure que le tournage avance, je comprends leurs raisons. Ils me racontent leurs histoires, leurs visions et je me sens alors terriblement chanceux d’avoir accès à ces mots sûrement difficiles à sortir. En les écoutant, ce n’est pas seulement de la chance que je ressens, mais aussi et surtout une nouvelle forme de compréhension des différentes dynamiques présentes. 

Paroles de Marie-Christine Jaillet – Directrice de recherche  au CNRS, Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (LISST), Université de Toulouse

Être jeune

Difficile d’être jeune quand on habite un de ces quartiers trop souvent sous les feux d’une actualité qui les associe à la drogue, à la violence, à la délinquance. Bien difficile d’expliquer qu’ils valent beaucoup mieux que ce que l’on en dit, qu’ils ne se réduisent pas à leur « mauvaise réputation ». Celle-ci colle à la peau de leurs habitants comme un stigmate et leur tient lieu d’identité aux yeux de ceux qui n’y vivent pas et qui en restent à ce que les médias et la rumeur en rapportent. Comment dire qu’on y a appris, comme nulle part ailleurs, la diversité des cultures, des origines, la solidarité ? Pas d’angélisme cependant, l’échec scolaire n’en est pas absent, pas plus que le chômage, les petits boulots ou la précarité, qui constituent le quotidien d’une partie significative de la jeunesse des quartiers. Le deal lié à la drogue est, lui aussi, bien présent et avec lui la police. Face à face crispé le plus souvent. Comment, malgré tout, tracer son chemin ? Certains y parviennent, réussissant scolairement et professionnellement. Comment se retrouver entre « potes », pour vivre simplement « sa vie de jeune », sans susciter les soupçons, la méfiance, quand si peu de lieux le permettent ? Et quand on sort du quartier, comment trouver sa place alors qu’on a le sentiment d’être jugé, d’être peu considéré, que l’on est confronté aux discriminations, au racisme ? Face à ce « dehors » que l’on ressent comme si peu accueillant, la tentation est forte de se réfugier dans son « quartier cocon », au risque cependant de s’y enfermer…
Au moins, même si elle n’est pas « un long fleuve tranquille », ils en parlent, de leur vie dans ces quartiers, les garçons, quand les filles, elles, se taisent… Que raconteraient-elles de ces quartiers où, bien qu’elles y soient moins visibles, elles vivent ? Sans doute un autre récit…

« Les habitant-e-s se la racontent ! » : un projet porté par la Régie de Quartier Desbals Services et l’association Résonance Sonore Lauréates de l’appel à projet : « Mémoires des quartiers, histoires en mouvement » lancé par Toulouse Métropole – Exposition visuelle et sonore à la Bibliothèque Saint-Exupéry à Bagatelle du 4 avril au 9 mai 2023.

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