Tabar : « On est délaissé », Yvette
Yvette nous accueille chez elle avec Nahima. L’intérieur est impeccable, les plantes sont belles. Elle habite au troisième étage, sans ascenseur à 89 ans et descendre les escaliers est déjà un exploit.
Le bruit fait partie du quotidien, son balcon donne sur le périphérique toulousain.
Elle regrette l’animation de Tabar dans le temps, la solidarité entre voisins. Le contraste entre hier et aujourd’hui est saisissant, pour elle la cité est morte.
Sa consolation est son rituel du vendredi. Elle rejoint le groupe sénior à la chapelle mexicaine animée par la Régie de Quartier. Aujourd’hui, elle y emmène un gâteau et croise ses amis assis sur un banc, elle les invite à la rejoindre.
Paroles de la réalisatrice Sonore – Agnès Gontier
Yvette si elle pouvait, c’est en Alsace qu’elle retournerait. Elle nous en a longuement parlé. C’est là bas, où, elle s’est sentie heureuse. Si elle est venue à Tabar, c’est pour suivre son mari.
Atteinte très jeune de tuberculose, elle a été délaissée et sa jeunesse s’est passée de sanatorium à sanatorium sans compter la deuxième guerre mondiale qui l’a marquée.
AZF aussi l’a traumatisée. Une vie faite d’embûches mais Yvette résiste, elle est là. Elle souhaite toujours partager des moments conviviaux et son gâteau est excellent. J’ai étais attristée de sentir sa solitude comme de nombreuses personnes âgées, isolées, esseulées dans leur appartement.
Paroles de Marie-Christine Jaillet – Directrice de recherche au CNRS, Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (LISST), Université de Toulouse
Si l’attention des médias est focalisée sur les jeunes, une des caractéristiques, au moins aussi importantes, des quartiers populaires, aujourd’hui, est qu’ils sont habités par des personnes âgées, encore en couple ou seules – et, dans ce cas-là, ce sont souvent des femmes – qui y ont vécu une grande partie de leur vie d’adultes et qui souhaitent y rester, parce qu’elles y ont leurs habitudes et leurs relations. Elles y vivent dans des appartements, aménagés à leur goût, décorés avec le plus grand soin, entourées de leurs souvenirs, mais aussi de leurs voisines, avec lesquelles elles s’entraident et entretiennent ces petits liens du quotidien qui font aussi les plaisirs de la vie … Ce que raconte Yvette, c’est aussi, en filigrane, l’histoire d’un quartier construit aux confins de la ville, mais que la ville et ses nuisances ont fini par rattraper. C’est à la hauteur de son quartier, que les nuisances du périphérique et de la circulation automobile – bruit, émanations des Gaz à Effet de Serre et particules fines – sont les plus fortes.
« Les habitant-e-s se la racontent ! » : un projet porté par la Régie de Quartier Desbals Services et l’association Résonance Sonore Lauréates de l’appel à projet : « Mémoires des quartiers, histoires en mouvement » lancé par Toulouse Métropole – Exposition visuelle et sonore à la Bibliothèque Saint-Exupéry à Bagatelle du 4 avril au 9 mai 2023.
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